Fred Stein
Fred Stein est né le 3 juillet 1909 à Dresde. Étudiant brillant, il entre à l’université de Leipzig où il étudie le droit tout en militant contre le fascisme au sein des jeunesses socialistes. Il devient assistant du procureur, préparant parallèlement son mémoire de thèse.
L’arrivée au pouvoir d’Hitler en janvier 1933 et le décret du 30 juin 1933 interdisant aux juifs d’exercer toute fonction publique l’obligent à abandonner ses recherches et son travail ce qui, alors que les arrestations d’opposants se font de plus en plus nombreuses, l’incite à quitter le pays. Prétextant un voyage de noce à Prague avec Liselotte (Lilo) Salzburg qu’il vient d’épouser, il demande deux visas qu’il obtient. C’est vers Paris qu’en fait ils se dirigent. Ils y arrivent le 7 octobre 1933 avec dans leurs bagages le Leica qu’ils s’étaient offert pour leur mariage. L’idée était de Lilo qui trouvait que Fred méritait un tel appareil vu la qualité des photos qu’il prenait dès qu’il avait un moment.
A Paris, ils retrouvent de nombreux amis intellectuels exilés avant eux et s’adaptent d’autant mieux qu’ils parlent parfaitement français. Avec son appareil Stein ne cesse de déambuler dans Paris pour y saisir les images de ses rues et de ses habitants.
Son diplôme d’avocat ne pouvant être reconnu qu’après un séjour de 10 ans sur le territoire, il doit se reconvertir. Très vite sa vocation de photographe devient une évidence. Dans le petit appartement qu’ils ont trouvé au 55 rue Caulaincourt, ils installent le Studio Stein qui propose portraits, photos de mariages et baptêmes et cartes postales de Paris. Dans cet appartement ils accueillent des amis de passage, artistes ou compagnons socialistes parmi lesquels le plus fameux est Willy Brandt qui s’arrête à chacun de ses voyages entre la Norvège où il s’est exilé et l’Allemagne où il retourne pour des missions clandestines.
A partir de 1934, Stein assiste à de nombreuses réunions et rassemblements politiques où il retrouve des personnalités des lettres et de la politique qu’il admire et qu’il photographie. Il devient non seulement le premier portraitiste de l’exil, mais aussi de tout ce que Paris compte d’intellectuels.
En août 1939, l’internement des « ressortissants des puissances ennemies » ayant été décrété il est interné au camp de Villerbon (Loir-et-Cher) puis en janvier 1940, est incorporé à une unité de prestataires militaires étrangers auxquels le 19 juin, à l’approche de l’ennemi, un gendarme déclare : « les allemands sont là, débrouillez-vous ». Stein se dirige vers le Sud et se réfugie à Toulouse où sa femme et leur fille Marion, née le 17 août 1938, le rejoignent. Ayant appris l’existence à Marseille d’un comité d’aide aux réfugiés ils décident de s’y rendre.
Le 6 mai 1941 grâce à l’International Rescue Commiteeet surtout grâce à Varian Fry, ils embarquent à bord du SS Winnipeg qui fait route vers la Martinique. Pour eux, ce ne sera pas le bout du tunnel car la Martinique est administrée par l’Amiral Georges Robert pétainiste convaincu qui applique à la lettre les ordres de Pétain et fait interner Fred au camp du Lazaret et envoyer sa femme et sa fille au camp de détention des femmes. L’Emergency Rescue Committee intervient pour les faire libérer et le 19 juin ils embarquent à bord de l’Evangeline, un bateau américain. Ils arrivent à New York le 27 juin 1941.
A New York, Fred Stein photographie, comme il l’avait fait à Paris, la rue, la ville, les travailleurs et les amis qu’il y a retrouvés. Il prend contact avec journaux et revues ; Adhère à la Photo League (Berenice Abbott, Robert Franck, Paul Strand en sont membres) dont il démissionne en 1942 pour rejoindre The American Society of Magazine Photographers.
En 1943, nait son fils, Peter. En 1944, il réalise sa première grande commande : un calendrier, édité par l’association « War Relief for France » en soutien à la Résistance française ainsi qu’un livre avec des photos de Paris, ouvrage qui le fera connaître de même que Fifth Avenue qui paraît aux éditons Panthéon.
Dès 1950, il développe son travail de portraitiste et répond à de nombreuses commandes. Presque tous les grands esprits de l’époque passeront devant son objectif. En 1951, il reçoit une accréditation de l’ONU pour y effectuer des reportages photographiques.
En 1952, Fred Stein devient citoyen américain ce qui lui permet de voyager : Italie, France, Israël, et en 1958, pour la première fois depuis son départ en exil, il retourne en Allemagne.
Le 27 septembre 1967, Fred Stein meurt brusquement à New York, à 58 ans. Ses dernières photos auront été les portraits de son amie Hannah Arendt qu’elle lui avait demandés pour la jaquette de son livre Men in the Dark Times (1968).